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Le ressenti des enfants : une ressource non-négligeable pour le développement humain.

C’est à l’épuisement des ressources et à la réduction de l’autonomie que conduit l'idéologie démiurgique néo-libérale. (Photo by Markus Spiske on Unsplash)

Une réflexion sur les deux défis les plus actuels et les plus globaux – le Covid-19 et le réchauffement climatique – peut être tirée des résultats d’une enquête qualitative, non-représentative statistiquement, réalisée par l’Université de Genève entre le 21 avril et le 31 mai auprès de 157 répondants âgés entre 11 et 17 à propos de leur vécu du semi-confinement. Les résultats peuvent être consultés ici.

Que pourrait apporter la consultation des enfants ?

Tout d’abord, on constate que la consultation des enfants par rapport au Covid-19 reste très en-deça de leur implication par rapport au changement climatique. Les jeunes manifestants (tout comme les plus âgés) pour une justice climatique connaissent suffisamment la problématique du réchauffement climatique pour être en mesure de proposer des solutions qui éviteraient la catastrophe. Pour le Covid-19, personne n’a encore trouvé la solution pour l’éradiquer (un vaccin suffira-t-il ?) mais pour l’instant les mesures prises permettent de plus ou moins contenir la pandémie, avec des variations considérables entre les pays dues à des politiques différentes. On se croit donc d’autant plus dispensé à écouter ce que les enfants ont à en dire. Et pourtant… Loin d’une révélation providentielle, l’écoute de leur expérience peut déboucher sur une prise de conscience des raisons profondes qui font que nous sommes aujourd’hui face à ces deux défis et pas à d’autres. Mais quel est donc le point commun entre les deux phénomènes du réchauffement climatique et du Covid-19 ?

Quel point commun entre le réchauffement climatique et la crise du Covid-19 ?

On peut trouver la réponse à travers les constats suivants tirés de cette petite enquête : pour la très grande majorité, ce qui s’est le plus péjoré durant la période de semi-confinement ce sont leurs loisirs, suivi de la vie avec les amis et de la vie scolaire, tandis que la vie familiale est restée plus ou moins pareille. Au-delà des nuances observées à l’intérieur de ces domaines, qu’est-ce que cela nous dit sur le ressenti des enfants ? Cela indique une réduction de la liberté par manque de contacts (avec les amis, à travers les loisirs) : autrement dit, l’autonomie n’est pas inversement proportionnelle aux contraintes, l’amitié et les loisirs étant fortement normés. Au contraire, l’autonomie se développe à travers la coopération, et celle-ci requiert le contact, la proximité. L’autonomie est sœur du compromis, et non pas son ennemi. Mais quel est le lien avec le réchauffement climatique ? Si l’autonomie se développe à travers la coopération et non à travers l’isolement, alors il se pourrait bien que le réchauffement climatique soit aussi dû à une vision erronée de l’autonomie, à savoir l’idéologie du « self-made man », de l’individu auto-suffisant que prône l’économie politique actuelle. La vision démiurgique néo-libérale, repoussant toujours plus loin les limites de ce qui peut être accaparé (les ressources naturelles terrestres, et bientôt extraterrestres, comme le signale les projets d’implantation humaine sur Mars), est un leurre. C’est à l’épuisement des ressources et à la réduction de l’autonomie que conduit cette idéologie.

Consulter les enfants peut donc nous aider à voir l’essentiel : l’autonomie réside dans la coopération.

Autonomie et coopération, une piste à suivre ?

Consulter les enfants peut donc nous aider à voir l’essentiel, si on relie les domaines (famille, école, amis, loisirs) au lieu de les séparer. C’est donc à une vision intersectorielle qu’invite finalement la petite enquête que nous avons menée. Elle est assez peu représentative statistiquement, mais elle reflète une réalité qualitative qui demande un peu d’imagination pour être entrevue : l’autonomie réside dans la coopération. La crise du Covid-19 semble d’ailleurs bien nous le prouver quotidiennement : les pays qui s’en sortent le mieux sont aussi ceux dans lesquels le sens de la solidarité est le plus développé. Si nous retenons cette leçon, peut-être qu’il sera alors possible de surmonter intelligemment non seulement la pandémie du Covid-19 mais également la crise climatique. On dit que la vérité sort de la bouche des enfants, c’est vrai finalement si on considère les mots comme des révélateurs d’autre chose qu’il faut arriver à entrevoir. Le ressenti gagne à être mieux connu…

Daniel Stoecklin

Daniel Stoecklin

est professeur associé en sociologie, avec spécialisation enfance et droits de l’enfant. Il est depuis 2015 rattaché à la Faculté des Sciences de la Société de l’Université de Genève (Département de sociologie, Institut de recherches sociologiques) et il travaille au Centre interfacultaire en droits de l'enfant (CIDE).

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